Droit des enfants : une formation pour renforcer les capacités de 23 enquêteurs, juges et magistrats

Parmi les intervenants de la formation, la sexologue et psychologue canadienne Latifa Boujallabia a adopté une approche basée sur l’acquisition de compétences sociales. © UNPOL Élise Petitjean / UN / MINUJUSTH, 2019

11 sep 2019

Droit des enfants : une formation pour renforcer les capacités de 23 enquêteurs, juges et magistrats

David Nieto

Du 2 au 6 septembre 2019, 15 enquêteurs de la Brigade de protection des mineurs (BPM) de la Police nationale d’Haïti (PNH), ainsi que 8 juges et magistrats de Port-au-Prince, se réunissaient au sein de l’École de la Magistrature (EMA) pour une formation organisée avec l'appui de la Mission des Nations Unies pour l’accès à la Justice (MINUJUSTH) et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) à travers leur Programme conjoint sur l’état de droit. Le point commun de ces acteurs de la justice ? Tous travaillent au quotidien auprès d’enfants. Quelle prise en charge pour les enfants victimes d’abus physiques et de violences sexuelles ? Comment s’adapter lorsqu’on auditionne un jeune contrevenant en conflit avec la loi ? Pendant cinq jours, ils ont échangé leurs perspectives afin de coopérer, se coordonner et communiquer afin de mieux prendre en charge les enfants tout au long du processus judiciaire.

En Haïti, on estime que 58 % des agressions sexuelles sont actuellement commises sur des enfants et jeunes filles mineures. Après le succès de sa formation menée auprès de l’Unité pour la lutte contre les crimes sexuels (ULCS) de la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), c’est autour du droit des enfants que la MINUJUSTH poursuit aujourd’hui son projet de lutte contre les violences sexuelles et sexistes.

Entre janvier et avril, près de 123 enfants ont été accueillis et accompagnés par la BPM. Au sein de la DCPJ ou grâce à des relais dans les commissariats, la brigade a pour mission d’encadrer et de protéger les enfants victimes d’abus physiques et de violences sexuelles, ainsi que les jeunes contrevenants en conflits avec la loi. Amenés par les commissariats et sous-commissariats, les enfants victimes ou abandonnés doivent ensuite être pris en charge et logés par la BPM en attendant que l’Institut du bien-être social et de recherches (IBERS) les prenne en charge.

« Cette formation va aider les professionnels de la justice que nous sommes à être plus efficaces chacun dans son bureau respectif, ajoute Grecia Norceus, juge et juge d’instruction qui a participé à la formation en tant que bénéficiaire et intervenante. Cette semaine nous a permis d’échanger sur la prise en charge des victimes, sur la manière de les accueillir au tribunal ou au commissariat. Auparavant, on envoyait directement les enfants victimes d’abus à l’hôpital afin d’obtenir un certificat médical, mais ce n’est pas une obligation. Même sans certificat médical, il est possible de trouver d’autres indices qui nous permettront de juger le suspect, à condition qu’on écoute bien l’enfant. »

Se mettre au niveau des enfants pour comprendre leurs besoins en tant que victimes et bien prendre leur déposition : « Parmi les intervenants présents, Mme Latifa Boujallabia nous a notamment parlé de l’aspect du dévoilement des faits chez les victimes mineures, ajoute la juge. Quand ils expliquent ce qu’il leur est arrivé, les enfants ne vont pas forcément utiliser les mêmes mots que les adultes. Il ne faut pas oublier cet aspect psychologique : le trauma peut avoir une vraie incidence sur la capacité des enfants à rapporter les faits. »

Coordonnateur de la BPM au Commissariat de Croix-des-Bouquets, l’inspecteur André Clermevil fait partie des enquêteurs conviés à ce séminaire. Au quotidien, il rencontre la population et connaît bien les spécificités qu’il y a à travailler avec des enfants. « J’ai pourtant beaucoup appris de cette semaine de formation, souligne-t-il, sur les aspects légaux comme sur les aspects très concrets comme l’accueil, la communication. Nous repartons tous d’ici en ayant appris quelque chose qui nous permettra de mieux servir les enfants de la communauté haïtienne. »