La Police Nationale d'Haïti et la Police MINUJUSTH travaillent ensemble pour un Haïti plus sûr

22 nov 2017

La Police Nationale d'Haïti et la Police MINUJUSTH travaillent ensemble pour un Haïti plus sûr

 

 

Photo Logan Abassi UN/MINUJUSTH

 

Interview avec le Général Georges Pierre MONCHOTTE Commandant de la composante police de la MINUJUSTH

(Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti)

 

Bureau de la Communication : Vous êtes le chef de la composante Police de la MINUJUSTH. Rappelez-nous brièvement qui vous êtes s’il vous plaît.

Général MONCHOTTE : Je suis un officier de la gendarmerie nationale française. J’ai été mis à disposition pour reprendre la tête de la composante police de la MINUSTAH, puis aujourd’hui de la MINUJUSTH. Je suis arrivé en Mars 2016 sur le théâtre d’opérations d’Haïti. 

 

Bureau de la Communication :  Quel est le mandat et l’effectif de la Police des Nations Unies en Haïti ? 

Général MONCHOTTE : Le mandat de la composante police s’insère dans le mandat général qui est confié à la MINUJUSTH par la résolution. A savoir le développement de l’état de droit des institutions, la promotion des droits de l’homme et renforcer les capacités de la PNH.

Pour cet aspect, ça se décline pour la composante police en deux domaines. D’abord, l’appui opérationnel aux opérations de la PNH qu’on fait régulièrement. Une précision qui mérite d’être donnée : il n’est pas dans notre mandat d’être en première ligne. Haïti est un pays souverain indépendant, on est là pour les appuyer. La primauté de police appartient à la PNH. Nous restons derrière en retrait sur le terrain. On participe, dans le cadre du renforcement des capacités de la planification opérationnelle des opérations qui pourraient être faites. Mais les hommes de la MINUJUSTH, une fois déployés sur le terrain n’ont pas la primauté de police premièrement ; et deuxièmement, ne sont pas habilités à mener des actions en tête comme par exemple pénétrer dans les domiciles, faire des perquisitions. Ce n’est pas du tout le mandat. On appuie les forces de police du pays en restant en retrait et en appuyant notamment dans la planification opérationnelle.

Ça se traduit dans un deuxième domaine qui est le renforcement des capacités. Ce sont les deux grands domaines concernant la composante police dans le mandat global de la MINUJUSTH en Haïti.  

La résolution 2350 a mentionné les effectifs qui sont autorisés dans la composante police. Ces effectifs se répartissent en deux subdivisions. La première, ce sont les sept FPU qui nous restent, pour un équivalent de 980 personnels, répartis dans cinq départements du territoire. Egalement une autre subdivision : les policiers individuels ou internationaux, IPO dans le jargon ONU, qui sont 295, également eux, répartis sur tout le territoire, - dans les dix départements, - que l’on trouve principalement dans les chefs-lieux des départements d’ailleurs. Et vous avez une trentaine de postes civils qui sont agrégés, ce qui fait une composante à peu près d’un peu plus de mille trois cents personnes. 

 

Bureau de la Communication : Parlez-nous s’il vous plaît du PAC (Programme Accompagnement-Conseil de la PNH).

Général MONCHOTTE   : C’est vraiment la pierre angulaire de ce que va faire la composante police dans les deux ans impartis par le mandat. D’abord l’idée, elle est venue de ce que j’ai observé depuis mon arrivée et les choses que je voulais mettre en œuvre, donc je me suis projeté dans une vision. Le deuxième aspect, c’était de ne pas subir la transition, mais accompagner le changement. Car cette transition, je le sentais, allait amener des changements que je considère salutaires et il convenait de proposer autre chose. Car dans cette transition qu’a amenée la résolution, se sont présentés à nous deux défis. Le premier : d’assurer la réduction harmonieuse des effectifs. Je dois rappeler 69% de notre force a été diminué. Il a fallu mettre en place des mécanismes et puis le deuxième défi c’était de proposer quelque chose pour assurer l’après, l’appropriation, la durabilité du projet et puis laisser la main aux autorités haïtiennes avec un peu plus de temps.

 

Photo Logan Abassi UN/MINUJUSTH

Bureau de la Communication ::  Quels sont les objectifs de ce programme?   

Général MONCHOTTE : Les objectifs sont clairement fixés dans les concepts que nous avons établis sur ce projet Accompagnement Conseil. L’idée maitresse, c’est de renforcer les capacités de la PNH, la Police Nationale d’Haïti, notre partenaire. Pour cela, nous avons changé d’approche. Aujourd’hui, nous ciblons l’encadrement supérieur et les personnes, ces cadres qui sont en situation de responsabilité. Si nous avons investi par le passé, - car il fallait construire la PNH - si nous avons investi sur les échelons subalternes, aujourd’hui ce n’est plus le cas. On a une police qui est établie, une direction générale, un directeur, des unités sur le terrain et on les voit agir quotidiennement dans le pays. Il faut donc renforcer les capacités des cadres et des cadres supérieurs afin de les mettre en capacité d’exercer leurs responsabilités et puis d’assurer une appropriation de tout ça, car à la fin il faut se dire que nous quitterons. Et pour assurer une durabilité, que les fondations qui ont été bien établies permettent de construire l’avenir de cette force de police.

Dans ces renforcements de capacités, qu’est-ce qu’on cible ? D’abord le commandement des unités. Les responsabilités exercées, ça s’exerce dans un cas en connaissance d’un certain nombre de domaines. Le contrôle : commandement et contrôle c’est absolument nécessaire, la planification opérationnelle, la gestion administrative qui est un grand défi pour la Police Nationale d’Haïti ; tout ça aussi, ça permet d’assurer les grands domaines qui couvrent l’action de nos composantes polices dans les missions de maintien de la paix. Les droits de l’homme. Les événements récents nous indiquent que rien n’est acquis, et que nous avons encore du pain sur la planche. La promotion de l’égalité des sexes. Donc vous voyez à travers cette nouvelle action, on a de multiples cibles, de multiples objectifs à atteindre en terme de renforcement des capacités mais avec une vision globale. Ce qu’il faut c’est une police nationale, - qui à mon avis est une institution solide, et probablement une des plus solides de ce que je peux observer dans le pays - avec la pleine capacité d’exercer sa primauté de police au service des citoyens et assurer la protection des civils également. Exercer la police judiciaire dans le cadre des règles et du cadre parfaitement légal. Participer au maintien de l’ordre public et de la sécurité publique également dans les règles, les standards internationaux de préservation de la paix publique, certes, mais également du respect des droits de l’homme, et du respect de la vie humaine, qui est absolument un sujet capital.

 

Bureau de la Communication : Vous comptez effectuer des visites dans les départements où sont déployés les FPU : quel en sera l’objet?

Général MONCHOTTE : D’abord un aspect absolument essentiel que je tiens à souligner : j’apprécie par-dessus tout ces déplacements hors ce mon bureau. Car c’est la seule manière d’avoir une vision claire de ce qui se passe sur le terrain. Ensuite, ça permet de rencontrer le personnel. Quand on est à la tête d’une composante, l’individu, le subordonné, la personne avec qui vous travaillez à l’importance capitale. On ne fait rien sans les gens qui vous entourent dans un but commun. Cela me permet également, en plus de mes subordonnées, de prendre contact avec la Police Nationale d’Haïti. Car c’est notre partenaire et j’ai besoin de le connaître, de comprendre ses aspirations et la manière dont les policiers haïtiens conçoivent l’exercice de leur mission. Egalement, ces visites que je peux faire seul, je souhaite les faire aussi accompagner du directeur général de la PNH Car dans ce projet, nous avons une action commune ; et afin d’assurer la parfaite réussite, il faut que tout ça soit bien partagé. Egalement j’ai la responsabilité d’inspecter des unités sur le terrain. Les unités de polices constituées, les FPU, comme je vous le disais, il en reste sept, il faut que je les passe en inspection pour voir ce qui se passe, pour me rendre compte de leurs difficultés et aussi de la manière dont ils exercent leurs propres responsabilités. Il y a des règles qui sont fixés par l’ONU en terme d’environnement, en terme de respect des droits de l’homme et également être porteur, si c’était nécessaire et amplifier le message de la tolérance zéro en ce qui concerne les abus sexuels et l’exploitation sexuelle. C’est aussi sur le terrain qu’on peut délivrer ces messages très directement. En plus des réunions d’ailleurs que je fais régulièrement à Port-au-Prince, ça me permettra, avec le directeur général de voir comment notre projet avance. Dans des rencontres avec la société civile, ainsi que les personnels dans les tables rondes que nous avons conduites dans le développement du projet lorsqu’il fallait le mettre en place et que nous allons conduire pour voir l’avancement du projet. Car il est absolument important que la Police Nationale Haïtienne s’amarre, s’intègre dans la communauté et que cet exercice que l’on appelle la police de proximité se fasse sur le terrain ; absolument indispensable, et que les autorités de la Police Nationale d’Haïti aient des contacts suivis avec les autorités essentielles des départements, des subdivisions administratives que sont les représentants de l’état, les représentants de la justice qu’on appelle les magistrats, c’est une action que nous menons régulièrement. C’est important, si vous voulez, d’en rester à des choses parfaitement concrètes qui vont renforcer la police au quotidien. 

 

Photo UN/MINUJUSTH

Bureau de la Communication :  Avez-vous déjà identifié quelques défis majeurs à relever ?

Général MONCHOTTE : Très clairement, bien sûr ! Les défis que nous avons pour ce qui est de ma composante, c’est d’abord mettre en place et donner la vitesse de croisière à ce projet. Car je le répète, nous avons une limite de temps ; un chronomètre a été enclenché en avril 2017 et nous donne une limite de temps et d’actions en 2019. Pour cela, un des défis majeurs, c’est : le soutien logistique. Egalement, que la ressource humaine qui m’est confiée soit conforme à nos besoins. C’est la raison pour laquelle nous avons pour la première fois clairement établie les profils de chaque membre de la composante police dans l’orientation au renforcement des capacités. C’est 295 personnels; quand on met à part les gens qui vont assurer le soutien et le fonctionnement administratif de cette composante, ce sont 205 experts qui vont travailler au profit et qui vont accompagner au quotidien dans un atmosphère d’affectio societatis, comme on dirait en latin, 150 cadres supérieurs de la PNH Donc il faut que l’on ait la ressource humaine absolument conforme à ce dont on a besoin. Donc on a tracé ça, on l’a fait parvenir à la division police au siège des Nations Unies, afin que les états contributeurs soient associés dans cette démarche, d’abord, et puissent nous fournir les personnels conformément aux besoins. Si par le passé nous avions besoin de policiers de base avec une expérience et un niveau de grade pas forcément très élevés, car nous déployions des forces partout dans le territoire au profit des unités de base. Aujourd’hui, c’est fini. On a besoin de cadres supérieurs des pays contributeurs, des gens qui ont une expérience dans le commandement; en terme civil ça serait le management, la gestion de la planification opérationnelle, la gestion des affaires administratives et des ressources humaines. Donc on a ciblé ces domaines qui sont absolument essentiels au développement de la PNH, et pour cela on a besoin d’experts. Les pays contributeurs ont forcément ce qu’il faut et donc doivent nous les proposer. Sachez que moi j’assure vraiment un tamisage de la ressource humaine important, car on ne peut pas se tromper. Egalement nous avons souligné la nécessite d’augmenter le nombre de personnel féminin, car nous avons une démarche vis-à-vis de notre partenaire qui est de montrer l’exemple. Donc je souhaite que la proportion des cadres féminins qui me soit proposée augmente de façon à ce qu’on puisse les intégrer en fonction de leurs compétences, et que par effet miroir ça influe positivement la PNH. Il y a aussi un élément qui est essentiel c’est la faculté de s’exprimer soit en français soit en créole.  Car dans cette relation qui va se tisser, qui est en train de se tisser entre des policiers internationaux venant d’horizons très diversifiés, la composante police, c’est plus de quarante nationalités qui participent. C’est la raison d’ailleurs pour laquelle on a tracé une ligne, on a, je dirais, prédigéré la matière pour que les experts aient déjà la voie tracée de ce qui doit être transmis aux partenaires

Pour revenir à la relation, c’est une relation de confiance qui va s’établir. Et bien évidemment, cette relation de confiance, elle doit s’exercer au quotidien, et pour ça, c’est quand même plus facile de s’exprimer dans la langue du partenaire.  Car on ne pourra pas avoir plusieurs dizaines d’interprètes au quotidien.

Egalement, qui nous impacteraient directement s’agissant de la PNH, une stabilité, une absence de politisation. Qu’on laisse la PNH se développer comme il se doit et que le directeur général puisse se concentrer sur ces dossiers stratégiques pour lesquels je l’accompagne également au quotidien. Il faut aussi espérer que Haïti n’aura pas à subir de désastres climatiques. Car tout cela, si vous voulez, il faut la voir avec une vision très large. Une vision transversale car tout ce qui se passe dans le pays impacte la police et ce qui impacte la police à des conséquences dans le pays. Ce sont vraiment des défis majeurs.

 

Photo UN/MINUJUSTH

Bureau de la Communication : Que voudriez-vous souligner pour conclure, Général Monchotte ?

Général MONCHOTTE : Vis-à-vis de la PNH, de son directeur général, je voudrais leur donner un message de confiance. D’abord, la PNH existe. Ils doivent avoir confiance et la sérénité de leur capacité. Ils ont un long chemin à accomplir pour parvenir aux meilleurs standards internationaux. Mais il ne faut surtout pas oublier ce qui a été fait par mes prédécesseurs, les policiers internationaux qui se sont déployés et les gens qui ont servi dans la PNH, qui ont eu à leurs côtés toujours des policiers internationaux. Viendra un moment où ça se terminera. Nous sommes à la veille de cette situation. Donc un message de confiance. Mais aussi un message d’espoir. Car ils ont l’avenir de leur pays, et un certain domaine de l’avenir de leur pays dans leurs mains. C’est une entité qui doit avoir sa cohésion et son esprit de corps, ce n’est pas encore le cas, ça progresse. Mais qu’ils considèrent chacun dans leur actions quotidiennes, l’importance de ce qu’ils jouent. Au contact de la population. Avec des vertus cardinales. Respect des droits de l’homme, considération de leurs responsabilités quotidiennes, de leurs actions. Quand on exerce des métiers de la sécurité ou de la défense dans son pays, d’abord ça s’exerce par vocation. Cela veut dire que ses intérêts personnels passent après les intérêts collectifs de la communauté.  Ce sont des choses qu’il faut qu’ils intègrent. Moi, quand je me déplace, je vois de très bons signes ; j’ai confiance dans la PNH, dans ses capacités. Il faudra simplement que nous restions vigilants, que nous ne perdions pas de temps dans le temps qui nous est imparti, qu’on nous permette de développer notre mandat correctement mais que notre partenaire ait la responsabilité essentielle d’acquérir, d’accepter, de prendre tout ce qu’il peut prendre, de le transformer, de le digérer ; il ne s’agit pas de calquer un modèle ou d’imposer un modèle. Il faudra que la PNH fasse une synthèse de ce qui lui est donné par la coopération bilatérale, par la coopération multilatérale dont nous sommes les acteurs principaux.

Egalement j’espère que Haïti trouvera sa voie, malgré toutes ses difficultés. Si on s’intéresse un peu à l’histoire, moi je viens d’un continent qui a subi des épreuves terribles et parmi les pires que puisse connaître l’humanité. Haïti a sa partie de difficultés, son lot comme chaque nation, chaque pays mais aussi de l’espoir, de la volonté. Il faut espérer que les responsables politiques, les institutions dont la PNH que nous devons renforcer - et nous y concourrons - trouvent la voie pour apporter à ce peuple, aux haïtiens, ce dont ils ont besoin, les besoins essentiels, et puis le développement. En offrant des opportunités à la jeunesse, en stabilisant la situation, en appliquant les règles essentielles de l’état de droit pour qu’Haïti soit un pays où il fait bon vivre et où on peut se développer harmonieusement.

 

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Sophie Boutaud de la Combe

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