Mathania Charles, Volontaire à la Fondation Toya : "Les femmes agissent, la société change !"

Le 5 décembre dernier, à l'occasion de la Journée internationale des volontaires (JIV), la famille des Nations Unies en Haïti saluait la contribution de plus de 17 000 volontaires actifs en Haïti pour l’année 2018. © Leonora Baumann / UN / MINUJUSTH, 2018

Le 5 décembre dernier, à l'occasion de la Journée internationale des volontaires (JIV), la famille des Nations Unies en Haïti saluait la contribution de plus de 17 000 volontaires actifs en Haïti pour l’année 2018. © Leonora Baumann / UN / MINUJUSTH, 2018

Mathania Charles, 21 ans, est volontaire pour la Fondation Toya, une organisation haïtienne pour le droit des femmes. © Ruvens Ely Boyer / UN / PNUD, 2018

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19 déc 2018

Mathania Charles, Volontaire à la Fondation Toya : "Les femmes agissent, la société change !"

David Nieto

En Haïti, plus de 17 000 volontaires actifs s’impliquent au quotidien dans la vie communautaire. En majorité haïtiens, ils sont brigadiers volontaires de la Protection civile, de la Croix-Rouge haïtienne, des Scouts d’Haïti, du Ministère de la Jeunesse, Sports et Action civique (MJSAC), du Programme des Nations Unies pour le Volontariat (VNU) ou d’autres organisations. Volontaire au sein de la Fondation Toya, une ONG nationale qui encadre et renforce les capacités et le leadership des filles et des femmes, Mathania Charles, 21 ans, raconte son engagement à l’occasion de la Journée internationale des volontaires (JIV).

Âgée de 21 ans, Mathania Charles étudie les sciences sociales et l’histoire-géographie au sein de l’Ecole normale supérieure (ENS) d’Haïti. Une école où tous la connaissent comme « Mathania la féministe » car la jeune fille s’engage en parallèle et depuis de nombreuses années en tant que volontaire féministe impliquée pour le travail communautaire et l’intégration des filles et jeunes femmes dans la société.

Elle travaillait dans le quartier défavorisé de Martissant avec l’ONG AVSI avant de rejoindre la Fondation Toya avec laquelle elle organise aujourd’hui des clubs d’alphabétisation. Devenue mentor d’un de ces « LitClubs » (pour literacy), elle est aujourd’hui basée à Léogâne où elle accueille des filles de 8 à 15 ans autour de cours de lecture.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous impliquer auprès de la Fondation Toya ?

Mathania Charles : Pour moi, c’est un engagement personnel. C’est quelque chose que je veux faire pour notre communauté. La Fondation Toya est une organisation haïtienne fondée en 2007, mise en place par des jeunes diplômés et des jeunes professionnels qui ont fait le constat que les filles étaient moins encadrées que les garçons dans la société.

Ces hommes et ces femmes ont voulu s’impliquer pour contrebalancer cette injustice dans une approche de « discrimination positive ». Un terme que nous assumons complètement ! Nous voulons un Haïti meilleur et cela inclut les femmes comme le dit notre slogan : « Les femmes agissent, la société change ! ».

« Toya », c’est le surnom de Victoria Montou, la propre tante de Jean-Jacques Dessalines. C’était une super-femme ! C’est elle qui l’a entraîné dans sa jeunesse pour tous les combats qu’il a ensuite eu à mener. Entre nous, on s’appelle les « sœurs Toya »

Comment est né votre engagement féministe ?

M.C. : J’ai grandi avec ma mère, mon père était absent. Ma mère est aussi une super-femme. C’est elle qui m’a inspiré et j’ai toujours voulu devenir comme elle. Dans ma communauté et même dans ma famille, j’essaye constamment de faire comprendre qu’une fille peut réussir sa vie comme elle le souhaite. Nous n’avons pas toujours besoin d’une figure masculine comme modèle.

Intégrer la fondation a représenté une étape qui m’a vraiment permis de grandir. Aujourd’hui, je suis complètement engagée pour améliorer la situation des filles et des femmes. Pour le moment, je suis encore étudiante. Mais à terme, je souhaite faire une maîtrise en genre et continuer de m’engager dans ce secteur. Mon rêve serait à terme de m’engager dans la vie politique. Il faut plus de femmes en politique en Haïti et je veux en faire partie !

À travers votre travail, comment défendez-vous les valeurs du volontariat ?

M.C. : Aux alentours des endroits où se réunissent les sœurs Toya, il y a souvent des personnes qui ne comprennent pas ce que nous faisons. En Haïti, il y a une certaine méfiance vis-à-vis des ONGs, surtout depuis le séisme. On m’interroge souvent par exemple pour savoir si je suis rémunérée…

Mais c’est tout le principe du volontariat : c’est une activité qui n’est pas rémunérée. C’est une richesse ! Non pas une richesse pécuniaire mais personnelle. On finit d’ailleurs toujours par en retirer un bagage personnel ou professionnel. C’est pourquoi je pense que l’Etat haïtien devrait également soutenir ces initiatives et définir un cadre légal pour protéger les volontaires

Si vous voulez que quelque chose change, il faut s’engager pour cela !"

Il y a beaucoup de sensibilisation à faire en Haïti pour faire comprendre les valeurs du volontariat. Si vous voulez que quelque chose change, il faut s’engager pour cela. N’attendez pas que quelqu’un vienne vous payer pour vous mettre en action. La première ressource, c’est surtout la ressource humaine. La plus importante à mes yeux.

Bien sûr, les jeunes connaissent beaucoup d’obstacles – surtout financiers. Mais si vous voulez quelque chose, commencez avec vos propres moyens et le reste va suivre. L’avenir de n’importe quelle société repose sur ceux qui sont plus petits, c’est-à-dire sur les jeunes. Pour les amener à construire cet avenir, il faut leur donner les moyens de s’impliquer dans la vie communautaire. C’est la seule façon qui nous permettra d’arriver à quelque chose de mieux.