Violences sexuelles et sexistes : un séminaire réunit 200 participants pour "briser les tabous"

Stéphane Hénault et son équipe dédiée à la Violence sexuelle basée sur le genre (VSBG) en compagnie de Frédéric Martineau (Service de police de la Ville de Montréal SPVM, Canada), de Claudia Xavier-Bonifay (Programme conjoint sur l’état de droit MINUJUSTH et PNUD), de Maguy Florestal (Parquet de Port-au-Prince) et de Jarle Bjørke (Police norvégienne). © David Nieto / UN / MINUJUSTH, 2019

19 sep 2019

Violences sexuelles et sexistes : un séminaire réunit 200 participants pour "briser les tabous"

David Nieto

Du 10 au 12 septembre 2019, l’Unité de lutte contre les crimes sexuels (ULCS) de la Police nationale d’Haïti (PNH) et l’École de la Magistrature (EMA) réunissaient plus de 200 participants autour d’un séminaire international à Port-au-Prince. Avec l’appui de la Mission des Nations Unies pour l’accès à la Justice (MINUJUSTH) et du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), à travers leur Programme conjoint sur l’état de droit, des conférenciers sont venus des quatre coins du pays ou de l’étranger pour alimenter les échanges sur le sujet. En charge de l’unité Violence sexuelle basée sur le genre (VSBG) de la composante Police, Stéphane Hénault raconte.

Pendant trois jours, ils étaient plus de 200 à participer au 5e séminaire international sur la violence sexuelle basée sur le genre. Officiers supérieurs, agents et enquêteurs de la PNH, juges et magistrats des différentes juridictions du pays, représentants de la société civile et autres leaders communautaires ont croisé leurs expériences et les points de vue sur le thème « Osons briser les tabous sur les violences faites aux femmes ».

Avant la clôture de la MINUJUSTH, l’unité VSBG de la composante Police a choisi de conclure leurs activités sur le terrain par ce grand séminaire, à l’image de celui organisé l’an dernier par une équipe directement financée par la Norvège. Chef de l’ancienne équipe, Jarle Bjørke est d’ailleurs venu en Haïti au nom de son gouvernement, afin de rendre compte de la poursuite des efforts dans la lutte contre ce type de violence. Lieutenant détective au sein de la Régie intermunicipale de police Thérèse‑De Blainville, au Canada, Stéphane Hénault et son équipe ont pris la relève grâce au soutien du PNUD qui entend préserver les gains réalisés par les autorités haïtiennes dans le cadre de leur partenariat avec  la MINUJUSTH.

Pour ce séminaire, vous avez réuni plus de 200 personnes. Comment organise-t-on un tel événement ?

Stéphane Hénault : La vraie difficulté, c’est de trouver les bons interlocuteurs. L’an dernier, le séminaire avait bénéficié du soutien direct du gouvernement norvégien. Cette année, nous avons choisi de soumettre ce projet au PNUD qui a très rapidement accepté. Nous avons été mis en contact avec nos collègues haïtiens de l’ULCS, qui nous ont aidé à identifier les intervenants et les bénéficiaires. Au sein de la DCPJ, dans les commissariats, il y a par exemple des enquêteurs qui sont parfois plus spécialisés sur les crimes sexuels.

En amont du séminaire, nous avons organisé plusieurs ateliers. Dans des formats de rencontres sur deux jours, nous nous sommes rendus dans différentes communes haïtiennes afin d’aborder le sujet de VSBG. Ces ateliers réunissaient des représentants du commissariat, de la magistrature locale, des médecins et des infirmières de l’hôpital le plus proche, des représentants politiques (le maire, le Conseil d’administration de la section communale CASEC, l’Assemblée de la section communale ASEC), religieux (catholiques, protestants, vaudous) et des membres de la société civile.

L’idée, c’était de mettre ces personnes en contact afin qu’elles échangent sur le sujet, notamment grâce à des groupes WhatsApp créés durant l’atelier. Ce sont ces leaders communautaires qui peuvent incarner le changement que nous sommes en train de soutenir.

Selon vous, quel est le principal frein à la lutte contre ce type de violence ?

S.H. : Les victimes d’agression sexuelle se retrouvent souvent étiquetées. De peur d’être mal jugées par leur communauté, les personnes victimes dans les villages en région par exemple vont souvent préférer ne pas porter plainte. On va plutôt aller se confier à des personnes influentes, des leaders communautaires. C’est pourquoi nous les avons identifié et convié à ce séminaire, afin d’aborder ce sujet avec eux. Notre objectif est qu’ils encouragent toujours les victimes à signaler les cas, à porter plainte devant un tribunal pour que la justice puisse être rendue.

Les gens veulent du changement et ils sont prêts à s’impliquer pour ça

Nous leur faisons comprendre que le dépôt de plainte est le seul moyen d’empêcher réellement l’agresseur de recommencer. Si ce n’est pas le cas, l’agresseur pourra récidiver sans limite au sein de la communauté, auprès d’autres proches encore. La population doit savoir que la police prend en charge les violences sexuelles basées sur le genre, qu’elle fait le suivi sur ces affaires.

Signaler ces faits intimes, c’est souvent compliqué pour les victimes. Elles sont gênées et souvent elles culpabilisent. Les policiers doivent faire preuve d’empathie, doivent leur donner du temps et appuyer les victimes jusqu’au bout de leur dépôt de plainte.

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans ces trois jours de séminaire ?

S.H. : La participation, l’échange de points de vue. Ici, on peut voir que les gens veulent du changement et qu’ils sont prêts à s’impliquer pour ça. La sensibilisation sur la violence sexuelle et basée sur le genre, c’est un processus qui ne finit pas. Après des activités comme aujourd’hui, nous disons également aux parties prenantes présentes que, désormais, c’est à eux de partager l’information autour d’eux.