Acteurs du changement : à Jacmel, un atelier de réflexion autour des violences basées sur le genre

Nadia Lafleur de l’association “Fanm Décidé” a participé aux discussions de Jacmel autour des violences sexuelles les 22 et 23 février. © Leonora Baumann / UN / MINUJUSTH, 2018

Nadia Lafleur de l’association “Fanm Décidé” a participé aux discussions de Jacmel autour des violences sexuelles les 22 et 23 février. © Leonora Baumann / UN / MINUJUSTH, 2018

Juge à la Cour d'appel, directrice des études à l’École de la Magistrature et professeure de Droit pénal à l’Université Notre-Dame d’Haïti, Maguy Florestal, encadrait la rencontre. © Leonora Baumann / UN / MINUJUSTH, 2018

Juge à la Cour d'appel, directrice des études à l’École de la Magistrature et professeure de Droit pénal à l’Université Notre-Dame d’Haïti, Maguy Florestal, encadrait la rencontre. © Leonora Baumann / UN / MINUJUSTH, 2018

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12 mar 2018

Acteurs du changement : à Jacmel, un atelier de réflexion autour des violences basées sur le genre

Leonora Baumann

Dans le cadre agréable de l’hôtel Cyvadier Plage, à Jacmel (Haïti), une vingtaine de participants de différents horizons se sont réunis autour d’une même table pour échanger sur la thématique des violences basées sur le genre. Leur objectif ? Attirer l’attention sur un phénomène sociétal grave qui a encore tendance à être banalisé.

Deux jours durant, des membres de la Police nationale d’Haïti (PNH), du secteur juridique, du corps médical, de l’administration territoriale, des médias, une association de protection des femmes ainsi que des représentants des principales communautés religieuses (catholiques, protestante et vaudou) se sont entretenus sur le sujet des violences sexuelles basées sur le genre. Guidés par Manouchka Remy, responsable de la nouvelle Unité de Lutte contre les Crimes Sexuels (ULCS) de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) et par Maguy Florestal, juge à la Cour d'appel, directrice des études à l’École de la Magistrature et professeure de Droit pénal à l’Université Notre-Dame d’Haïti, les participants ont d’abord fait ensemble un état des lieux de la situation dans le pays. Pour cela, ils ont adopté une approche socioculturelle en se concentrant sur les mœurs et sur la notion de consentement.

Le poids de la culture

Bien souvent, le poids de la culture et des normes sociales régissent les rapports entre hommes et femmes. Il était question de bien préciser que les agressions sexuelles doivent être très précisément distinguées des activités sexuelles. C’est surtout le mot « agression » qu’il faut retenir.

Dans ces cas, la violence est avant tout un moyen pour assujettir ou dominer la victime. La culture patriarcale explique que les femmes en sont bien souvent, d’une manière disproportionnée, les principales cibles. Trop souvent, la femme est encore perçue et représentée comme un accessoire de notoriété sociale voire de convoitise, un moyen de reproduction ou d’assouvissement sexuel qui les objectivisent. 

Un débat passionné

La discussion sur le cadre légale en application en Haïti a suscité de vifs débats. Les voix se sont élevées. À tour de rôle et parfois en simultanée, les participants ont exprimé leurs points de vue, sur la reconnaissance ou non du viol dans le mariage, les circonstances atténuantes, les rapports sexuels entre mineurs, entre autres sujets ayant enflammé l’assistance. 

Mmes Manouchka Remy et Maguy Florestal encadraient les discussions de Jacmel autour des violences sexuelles les 22 et 23 février.

Lors de son introduction, la juge Mme Florestal l’a souligné : « Un problème identifié est un problème déjà à moitié résolu ! ». Pourtant, « la justice à elle seule ne peut pas résoudre le problème, voilà la raison d'être de cet atelier» : permettre l'échange et le partage d’informations. Le moyen pour chacun des acteurs d’une vraie prise de conscience.

Responsable de l’ULCS, Mme Remy a insisté à cette occasion sur le fait que chacune et chacun a un rôle à jouer pour faire évoluer la situation : « Tout le monde est concerné, il faut réfléchir ensemble pour trouver des solutions ». 

Créer des liens durables 

C’est pour cela que l'équipe de la composante de police de la MINUJUSTH en charge de la lutte contre la violence sexuelle basée sur le genre (VSBG), grâce au financement du gouvernement norvégien, a voulu offrir un cadre de rencontre aux acteurs impliqués tant du point de vue de la prise en charge des victimes que de l’arrestation et la condamnation des auteurs ainsi que des partenaires du secteur médical, de la société civile, des médias et des représentants des autorités et institutions haïtiennes.

L’objectif : créer un espace d’échanges et de découverte du travail accomplie par les uns et les autres afin de créer des ponts et des synergies pour faciliter la coopération future. Le programme intégrait une nuit sur place pour tous les participants afin de favoriser la cohésion et la continuation des échanges dans un cadre convivial et plus informel. 

Une initiative à renouveler pour un travail d’équipe 

Faisant suite à un programme organisé entre des étudiants de l'école de magistrature et les membres de la PNH, avec le soutien de la MINUSTAH en 2016, le séminaire de Jacmel intègre un plus large éventail d’acteurs. Il sera suivi de huit autres dans les différentes régions du pays afin que lors de la prise en charge d'une victime, les différents intervenants puissent la guider naturellement dans le processus de prise en charge médicale, psychologique, de plainte et qu’elle reçoive l’ensemble des appuis dont elle a besoin.

Chaque intervenant a pris conscience de l’importance de la prévention, de l’information des victimes, du suivi spécifique dû à chacune autant que de son rôle et de celui des autres en la matière. En termes de violences sexuelles, le travail d'équipe dans la chaîne des intervenants est essentiel.