Formation de formateur des inspecteurs de la Police nationale aux droits humains
Du 22 au 25 mai 2018, la Mission des Nations unies pour l’appui à la Justice en Haïti (MINUJUSTH) innovait entre les murs de l’Inspection générale de la Police nationale d’Haïti (IGPNH) avec une « formation de formateurs » sur les droits de l’Homme et l’application de la loi. L’idée ? Sensibiliser une vingtaine d’inspecteurs de la « police des polices » aux droits humains mais aussi aux techniques de formation capables de changer les comportements. De « formés », ils deviennent eux-mêmes « formateurs » pour transmettre leurs compétences à travers tout le pays. Avec pour objectif, à terme, de créer un groupe de formateurs au sein de la Police nationale.
À compter de ce jour, ils deviennent eux-mêmes des « officiers de la paix ». En quelque sorte des collègues pour Maïmouna Doussa Tankoano, Officier des droits humains au sein de la MINUJUSTH, qui accompagne cette vingtaine d’inspecteurs dans leur formation. Pour transmettre ces principes clés que sont la dignité humaine, l’intégrité physique et morale, la présomption d’innocence ou encore la réponse proportionnée (notamment en matière d’armes à feu), elle a sa technique : une méthode participative.
« J’ai tout fait pour m’éloigner de la pédagogie traditionnelle du professeur à l’étudiant, insiste Maïmouna Doussa Tankoano. En tant que facilitateur, j’utilise des techniques qui permettent aux participants d’être eux-mêmes acteurs de leur formation. À partir de leurs expériences, on peut alors apporter des informations théoriques, mais aussi les mettre en situation pour susciter une réflexion critique pour qu’ils voient comment améliorer et/ou corriger certains comportements ».
Simulations, jeux de rôle, observations inopinées dans un commissariat : Maïmouna Doussa Tankoano fait en sorte que les inspecteurs eux-mêmes participent à l’élaboration de la formation qui leur a été donnée. Dans l’idée précisément de leur transmettre le processus pédagogique qu’elle applique.
« L’IGPNH est chargée de recueillir les plaintes, notamment si un policier est en porte-à-faux avec le règlement disciplinaire ou la loi. Cette semaine était dédiée à la formation : ensuite en deuxième semaine ce sera la mise en application des messages clés. », s’enthousiasme l’Officier des droits de l’Homme.
Suite à cette formation, la MINUJUSTH continuera à accompagner l’IGPNH notamment avec une fiche d’inspection qui permet d’évaluer les comportements dans les commissariats ou durant les manifestations. À la clé, une transmission entre collègues des valeurs humaines et du respect des droits de l’homme, au cœur de la mission nationale des gardiens de la paix.
3 questions à l’Enquêtrice Verymane Michel et à l’Assistant chef de cabinet Duverseau Plate Wendy (Inspection générale de la Police nationale d’Haïti)En quoi cette formation sur les droits humains est-elle décisive pour vous ?Clarck Wendy Duverseau (Enquêtrice à l’Inspection générale) : La police est une institution de l’Etat et les policiers sont des représentants de l’Etat. En tant que tels, nous sommes des garants de la protection des droits humains. En ce sens, tous les modules de la formation ont répondu à nos attentes. Au sein de l’Inspection générale, cette formation nous permettra d’améliorer les techniques d’audition ou encore d’approfondir le contenu des rapports d’enquête. Marie Michelle Verrier (Assistant Chef de Cabinet à l’Inspection générale) : En quatre jours, nous avons beaucoup appris, ce qui va nous apporter un plus dans notre travail. Par exemple, j’ai beaucoup appris sur les groupes spécifiques à prendre en compte au cours de l’enquête : les femmes enceintes, les femmes handicapées, les enfants de 0 à 18 ans qui ont des droits spéciaux. Désormais, nous avons beaucoup à transmettre aux autres policiers. Comment pensez-vous pouvoir retransmettre ces messages ?C.W.D. : Nous avons aussi beaucoup appris sur la dimension pédagogique des formations. Comment attirer l’attention des participants, comment tenir l’audience en éveil. J’ai par exemple beaucoup aimé l’approche participative qui crée une ambiance favorable à l’apprentissage et à l’enseignement. M.M.V. : Il y a plusieurs façons de faire passer un message. Cela peut être par écrit mais aussi en images. Hier, il nous était demandé de faire des exercices pour vérifier notre assimilation des informations. Pour illustrer la nécessité des droits de l’Homme, j’ai ajouté le dessin d’une voiture sans volant dans ma présentation. Personne ne peut dire si elle va à gauche ou à droite… Sans les droits humains, personne ne saura quels sont ses droits : quoi respecter, quoi faire, quoi ne pas faire… C.W.D. : La formation est aussi entrecoupée de pauses d’animation. Quand les débats deviennent trop vifs ou quand l’attention retombe, c’est une façon de remettre toute l’assistance dans l’ambiance et de retourner au cœur du sujet. De formé à formateur, comment comptez-vous utiliser le bagage de ces séances ?C.W.D. : Les problématiques de violation des droits humains existent partout à travers le monde. Cette formation de formateur est pour moi une opportunité de faire passer le message, de promouvoir ces droits à travers les commissariats. Et de former d’autres formateurs pour le véhiculer à travers tout le pays afin qu’il y ait de moins en moins de cas de violation des droits humains. C’est la responsabilité de la Police. M.M.V. : Pour moi, devenir formatrice était une première. Je n’ai jamais enseigné de ma vie. J’étais stupéfaite de voir de quoi j’étais capable. Maintenant, je sais que vais pouvoir faire passer le message avec brio. Les formateurs nous ont beaucoup poussé. Nous avons énormément appris de leurs façons de faire et de comment les mettre en pratique. |