Haïti : le Conseil de sécurité cherche les moyens d’assurer grâce à la MINUJUSTH une transition sans heurt du maintien à la pérennisation de la paix
Il existe aujourd’hui une occasion unique pour la Mission des Nations Unies pour l’appui à la justice en Haïti (MINUJUSTH), l’Équipe de pays des Nations Unies, la communauté internationale et le Gouvernement haïtien de travailler ensemble à la sécurité et au développement à long terme, a plaidé devant le Conseil de sécurité, le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, M. Jean-Pierre Lacroix. À la veille du renouvèlement du mandat de la Mission, États membres du Conseil et « Amis d’Haïti » ont insisté sur la nécessité de réussir la transition du maintien vers la pérennisation de la paix et le développement durable d’un État qui a retrouvé la stabilité politique après des « décennies d’abandon ».
Le Secrétaire général adjoint aux opérations de maintien de la paix, qui s’est rendu en Haïti à la mi-mars, a présenté le rapport du Secrétaire général sur la MINUJUSTH, le premier depuis l’entrée en fonctions de la Mission le 15 octobre dernier, à l’issue d’une transition de six mois pendant laquelle la précédente Mission, la Mission des Nations Unies pour la stabilisation en Haïti (MINUSTAH), a transféré ses compétences en partie aux autorités haïtiennes, en partie à l’Équipe de pays et en partie à la nouvelle opération de maintien de la paix, seule du genre actuellement à ne compter aucun Casque bleu. Cette transition a été saluée comme un succès par de nombreuses délégations, en premier lieu par celles des États-Unis et du Brésil, lequel a dirigé pendant 13 ans la Force de la MINUSTAH.
M. Jean-Pierre Lacroix a décrit la MINUJUSTH comme « pleinement opérationnelle » et mettant en œuvre son mandat. Il a présenté son mode opératoire -une composante civile concentrée dans la zone de Port-au-Prince et des unités mobiles pluridisciplinaires se déplaçant dans les 10 départements du pays- comme étant conforme à l’esprit de la Mission, marqué par une « empreinte légère et non intrusive ». Il s’agit pour la MINUJUSTH de réaliser son mandat tout en assurant une « transition sans heurt » vers un développement inclusif et durable, grâce à une approche cohérente, globale et intégrée conforme aux réformes en cours aux Nations Unies et à la vision de prévention du Secrétaire général.
Dès la création de la nouvelle Mission par la résolution 2350 (2017), il y aura un an le 13 avril prochain, le Conseil avait demandé au Secrétaire général de lui présenter « une stratégie de sortie sur deux ans bien établie et assortie d’objectifs clairs ». Le Secrétaire général adjoint a estimé que la série de 11 objectifs présentés dans le rapport constituait un cadre « ambitieux mais souple », dans lequel les Nations Unies peuvent avec confiance transformer leur présence dans le pays. Là aussi, il a été largement soutenu par les intervenants.
En outre, ces 11 objectifs « font écho » aux priorités récemment annoncées par le Président Jovenel Moïse pour réformer l’État et consolider la stabilité politique et sociale, a affirmé M. Lacroix qui s’est dit encouragé par les indices récents d’une plus grande convergence des priorités nationales et de la Mission, souhaitant une « relation saine » entre la Mission, le Gouvernement et la population.
Une telle relation est conditionnée par le « respect scrupuleux des obligations réciproques » et un « authentique esprit de solidarité, de respect mutuel et de confiance », a précisé le représentant d’Haïti, qui a rappelé que le mandat de la MINUJUSTH s’inscrit « dans une perspective différente de la Mission précédente », axée sur la stabilisation. « Mécanisme d’accompagnement et de consolidation des acquis, l’horizon temporel de la MINUJUSTH ne peut être que limité », a-t-il ajouté, estimant que la stratégie de retrait proposée impliquait un calendrier « qui devra être établi de concert par les deux parties, en fonction de jalons et de points de repères convenus ».
Mais « au-delà d’un calendrier, la sortie de la Mission doit se fonder sur la réalisation progressive du mandat et l’évolution de la situation sur le terrain », a mis en garde l’Argentine, membre du Groupe des Amis d’Haïti. Ces derniers ont plaidé pour que la présence de la Mission soit ajustée le cas échéant afin de préserver les progrès accomplis au cours des 13 années du mandat de la MINUSTAH. Comme l’a rappelé la France, les succès engrangés grâce au soutien international « dépendent désormais de la volonté des autorités haïtiennes de s’approprier le travail réalisé jusqu’à présent ».
Or, le pays est loin d’avoir relevé tous les défis. Pour l’Union européenne, le retour à un fonctionnement constitutionnel normal est certes une condition sine qua non pour permettre à Haïti de faire face aux multiples défis politiques, économiques, sociaux et environnementaux auxquels il est confronté, mais ce n’est pas une condition suffisante. Pour arracher « les racines encore intactes de l’instabilité », il faut, « d’urgence, des réformes courageuses », a plaidé son représentant, pour qui « des signes de la volonté de réforme ont été donnés, qu’il faut désormais concrétiser ».
Pour la plupart des délégations, ces réformes concernent la justice -notamment son accès-, le secteur pénitentiaire, la professionnalisation de la police, la protection et la promotion des droits de l'homme et la lutte contre l’impunité. Les Pays-Bas ont ainsi fait état de « cas inacceptables de violation des droits de l’homme par la Police nationale ». Le représentant d’Haïti s’est dit « sensible » à ces questions, affirmant que « des réponses sont en train d’être apportées ». « L’état de droit ne se divise pas », a-t-il ajouté, rejetant toutefois la responsabilité de la situation actuelle sur des « décennies d’abandon ».
Il reste que la présence de l’ONU ne doit pas être limitée de manière trop radicale au regard des besoins du pays, a estimé le représentant de la Pologne, pour qui, néanmoins, « le verre est à moitié plein » et qui a souhaité que la prospérité future du pays ne dépende plus de la présence d’une opération de l’ONU.
À cet égard, le Secrétaire général adjoint a estimé, comme après lui la représentante du Royaume-Uni, qu’en créant à l’unanimité la MINUJUSTH, le Conseil avait accordé à Haïti un « vote de confiance » et de reconnaissance des progrès réalisés, progrès dont il y a, selon M. Lacroix, tout lieu de penser qu’ils sont irréversibles.