Martissant : plus de 1 700 habitants engagés pour réduire la violence communautaire à travers 9 projets de réhabilitation du quartier

Dans la section communale de Martissant, à Port-au-Prince (Haïti), les résidents de la zone de Cité Lajoie travaillent depuis deux mois à la réhabilitation du canal de drainage des eaux usées. © Vittoria Groh /UN, 2019

Dans la section communale de Martissant, à Port-au-Prince (Haïti), les résidents de la zone de Cité Lajoie travaillent depuis deux mois à la réhabilitation du canal de drainage des eaux usées. © Vittoria Groh / UN, 2019

Dans la section communale de Martissant, à Port-au-Prince (Haïti), les résidents de la zone de Cité Lajoie travaillent depuis deux mois à la réhabilitation du canal de drainage des eaux usées. © Vittoria Groh / UN, 2019

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27 aoû 2019

Martissant : plus de 1 700 habitants engagés pour réduire la violence communautaire à travers 9 projets de réhabilitation du quartier

David Nieto

Depuis le 20 mai 2019, les résidents de Cité Lajoie, dans la section communale de Martissant, à Port-au-Prince, sont les témoins d’un ballet incessant de brouettes et d'ouvriers entre le canal principal du quartier et la route nationale. Un va-et-vient qui réjouit pourtant la communauté puisqu’il contribue à améliorer le système de drainage des eaux usées, devenu critique en pleine saison des pluies. D'autant que les ouvriers en question sont eux-mêmes des habitants du quartier rémunérés pour curer la ravine de Cité Lajoie sur plus de 2 km. Ce projet fait partie d’un ensemble de 9 projets dans le cadre d’une initiative dirigée par les autorités locales et la communauté avec l'appui de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la Justice en Haïti (MINUJUSTH) et le Bureau des Nations Unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS). L'objectif ? Réduire la violence communautaire en améliorant les conditions de vie du quartier, en générant de l'emploi, en renforçant les capacités professionnelles et en engageant la communauté.

Au total, ce sont 1 724 ouvriers (avec un objectif de 40 % de femmes) à avoir été recrutés à partir d’une liste de volontaires fournie par la communauté des résidents de Martissant. Avec des rotations toutes les deux semaines, ils se relaient dans plus de 9 projets de réhabilitation menés en simultané dans la zone afin d’améliorer les conditions de vie, mais aussi la sécurité des communautés.

« Ce sont les communautés elles-mêmes qui se sont concertées pour nous présenter les requêtes des citoyens et identifier les projets les plus urgents, explique Théodore III Achille, responsable de la mise en œuvre avec le Bureau des Nations unies pour les services d’appui aux projets (UNOPS). Grâce aux plateformes communautaires composées des élus locaux, des aînés, des dirigeants, des représentants des zones mais aussi de la collaboration des ONG Viva Rio Haïti et Lakou Lapè, déjà en action sur place, nous avons pu identifier 9 projets adaptés aux capacités techniques des ouvriers et au budget disponible. »

Les travaux de réhabilitation de Martissant en chiffres

9 projets de travaux publics

1 724 ouvriers recrutés (40 % de femmes)

6 mois de travaux pour des contrats de 10 jours 

1 000 gourdes de salaire journalier (500 pour la main d’œuvre non-qualifiée), assurance maladie incluse

Financés par le programme de Réduction de la violence communautaire (RVC) de la MINUJUSTH, ces projets se concentrent tous sur Martissant, une section communale en proie à la violence et aux affrontements entre groupes armés, sur fond de précarité sociale et économique et d’accès limité aux services de base. Pour les équipes, l'objectif fixé est clair : favoriser la stabilisation sociale et politique de la zone grâce aux dividendes de paix générés par ces travaux de réhabilitation.

C’est pourquoi, pendant plus de 3 mois, trois décharges informelles dans les quartiers de Décayette, de Cité Plus et de Grand'Ravine sont progressivement réhabilitées en espaces communautaires. Du côté de Ti-Bois, de Village de Dieu et de Martissant 2A et 2B, les communautés ont voulu favoriser la réfection des chemins et autres sentiers d’accès. D’une durée de 4 mois, ces travaux devraient permettre d’améliorer la sécurité aux alentours. En contrebas, à Bolosse, à Cité l'Éternel et à Cité Lajoie, c’est sur les ravines et les canaux de drainage des eaux usées que la priorité a été mise pendant 5 mois.

À Cité Lajoie, il y a un fort engagement des communautés

« À Cité Lajoie, il y a un fort engagement des communautés », témoigne Mirjine Jérôme, facilitatrice dans la zone et représentante de la plateforme communautaire qui accompagne la mise en œuvre du nettoyage du canal. Âgée de 30 ans, c’est elle qui joue depuis plusieurs mois le rôle de coordination avec l’ONG Lakou Lapè et l’UNOPS pour faciliter la participation des résidents : « Tout le monde ici est très intéressé par les projets qui sont en cours. Il y a une vraie attente pour que le quartier devienne plus vivable, mais aussi pour que d’autres travaux similaires, porteurs d’emplois, voient bientôt le jour. »

Sur le chantier, David Bertrand, jeune ouvrier de 28 ans, partage cette énergie : « Nous sommes en pleine saison des pluies et beaucoup de nos maisons se retrouvent inondées à cause de l’obstruction du canal du quartier. C'est pourquoi notre travail de curage est vraiment un soulagement pour tout le quartier. »

Le 24 septembre 2019, les travaux devraient toucher à leur fin, peu avant le retour de la saison sèche. Mais à travers le simple curage de la ravine de Cité Lajoie, Théodore III Achille entend à plus long terme sensibiliser toute la communauté à la problématique des déchets : « Ce projet s’inscrit dans un programme plus large qui vise la valorisation des déchets. Dans un futur proche, nous espérons atteindre une situation plus stable à Martissant. De petites et moyennes entreprises pourraient ainsi se déplacer librement et en sécurité afin de collecter à la source les déchets et de les vendre au secteur privé, qui a déjà exprimé son intérêt. » Mais avant d’en arriver là, la sensibilisation de chacun et chacune est un prérequis. Changer les consciences sur toute la valeur que pourrait représenter ce qu’on appelle ici le “fatras”.

« Pour ce qui est des déchets, le moins qu’on puisse dire, c’est que nous n’en manquons pas à Martissant !, renchérit David Bertrand. Si ces déchets pouvaient réellement être des sources de revenus, nous serions les premiers à nous engager à mieux les stocker dans chaque maison pour assurer la collecte. » Derrière le projet de réhabilitation locale, une initiative qui s’inscrit dans une optique pérenne afin de recréer, au sein des communautés, un nouveau tissu social engagé pour le changement et pour la paix.

75 000 bénéficiaires de projets de Réduction de la violence communautaire (RVC) de la MINUJUSTH

Entre octobre 2017 et avril 2019, plus de 75 000 personnes (dont 36 900 femmes) ont bénéficié des projets de Réduction de la violence communautaire mises en œuvre par 68 partenaires (60 locaux, 6 internationaux et 2 agences onusiennes) avec l’appui de la MINUJUSTH. Afin de consolider des dynamiques positives qui permettent de réduire la violence dans les quartiers, une partie de ces projets fournit aux participants les outils nécessaires à la génération de revenus, à la formation vocationnelle et à la gestion d'entreprises.