#MoisdelaFemme – partie 1 : “Qu’est-ce qui nous arrête ? Sommes-nous des stéréotypées ?”

Le 3 avril 2019, la MINUJUSTH célébrait la Journée nationale du mouvement des femmes haïtiennes avec un forum d'échanges sur le thème "Femmes, Paix et Sécurité : quelles perspectives pour Haïti ?". © Leonora Baumann / UN / MINUJUSTH, 2019

3 mai 2019

#MoisdelaFemme – partie 1 : “Qu’est-ce qui nous arrête ? Sommes-nous des stéréotypées ?”

Agathe Fabien

Un 3 avril, les femmes haïtiennes se sont imposées dans la lutte pour l’égalité des sexes et l’équité de genre. C’était en 1986. Cette année, la Mission des Nations Unies pour l’appui à la Justice en Haïti (MINUJUSTH) s’est jointe à cet objectif pour faire avancer les droits des femmes, leur autonomisation et leur accès à la justice en Haïti. Retour sur les témoignages inspirants à l’occasion de la clôture du mois de la femme au sein de la MINUJUSTH.

Traditionnellement pour la célébration de cette date, la Mission apporte son support aux autorités haïtiennes à travers le ministère à la Condition Féminine et la Police nationale d’Haïti (PNH) dans la réalisation de leurs activités respectives. Mais cette année, il était opportun pour l’Unité Genre, avec l’appui du Cabinet de la cheffe de la MINUJUSTH, Mme Helen La Lime, de marquer autrement les 33 ans de célébration de la Journée nationale du Mouvement des femmes haïtiennes. D’autant que cet anniversaire est célébré dans un contexte de fin de mandat de la Mission et coïncide avec la clôture du mois de la femme qui s’étend du 8 mars au 3 avril.

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Empruntant un extrait du message du Secrétaire général de l’ONU pour la Journée internationale de la femme en propos d’ouverture de la série d’activités marquant cette célébration, Mr Giuseppe Calandruccio qui intervenait à titre de représentant de Mme Helen La Lime et du Représentant spécial adjoint Mr Mamadou Diallo a rappelé que « l’égalité des genres et les droits des femmes sont fondamentaux pour progresser sur la voie de la paix, de la sécurité, des droits de l’homme et du développement durable à l’échelle planétaire». Rappel judicieux au regard des données préoccupantes et tenaces relatives à la sous-représentation des femmes haïtiennes notamment dans les postes de décision.

Il est indéniable que l’un des défis urgents à relever par Haïti est le faible taux de représentation féminine, notamment au niveau du Parlement avec moins de 3 % alors que les femmes constituent 52 % de la population et que la Constitution amendée institue un quota d’au moins 30 %.

Julia Catherine Pink : "Affronter avec ténacité l’écart de genre"

En ce sens, l’espace de témoignages aménagé au cours de cette commémoration devait avoir, entre autres, la vertu d’aiguiser les réflexions sur les meilleures stratégies pour accompagner la femme haïtienne et laisser dans les annales de l’histoire de la MINUJUSTH les efforts déployés pour intégrer l’équité de genre et l’égalité des sexes dans les 3 piliers de son mandat : Etat de droit, Droits de l’Homme et Sécurité. Également de mieux orienter les actions à travers les agences des Nations Unies dans le domaine de la participation des femmes haïtiennes à la paix et au développement du pays.

« Qu’est-ce qui nous arrête ? Sommes-nous des stéréotypées ? C’est important aujourd’hui pour une célébration de femmes, de retrouver notre direction », affirme Julia Catherine Pink, Chef d’Etat Major UNPOL, ayant à son actif une carrière de 30 ans, au cours desquelles elle a passé chaque poste et chaque grade jusqu’à celui de commandant qu’elle occupe maintenant.

Port droit, démarche assurée mais humeur complaisante, la chef de la composante UNPOL évoque le difficile parcours de 100 ans d’implication des femmes dans la police d’Angleterre, son pays d’origine, pour faire comprendre à ses consœurs, les policières haïtiennes présentes à cette cérémonie, qu’elles sont sur une très bonne voie malgré les discriminations auxquelles elles font face.

« En 1988, rappelle-t-elle, les femmes policières anglaises représentaient 9% de l’effectif de l’institution. Aujourd’hui, les policières anglaises ont presque atteint le quota des 30 %. Mais ce qu’il y a de prodigieux, c’est qu’une femme occupe aujourd’hui la tête de la célèbre police londonienne », dit-elle non sans une marque de fierté.

Il s’agit de l'un des postes les plus exigeants et les plus importants au sein des services de la police britannique. Une première en 188 ans d'existence pour cette institution. De plus, avec cette femme qui a atteint ce niveau en 2017, il se trouve que les trois plus importants postes de la police britannique sont désormais tenus par des femmes : la National Crime Agency (NCA) est en effet dirigée par une femme depuis janvier 2016, ce qui fait d’elle l’un des plus hauts responsables de l’application de la loi britannique, tandis qu’une autre femme dirige le National Police Chiefs' Council (NPCC) depuis 2015. 

La route peut être longue, fait comprendre Julia Pink, mais c’est la visualisation du futur qui importe. Et c’est dans cet esprit que le réseau des femmes de la MINUJUSTH encadre le réseau des femmes de la PNH. Afin qu’elles puissent tirer profit de leurs expériences et compétences dans leur lutte contre toutes formes de discrimination.

PNH : les policières haïtiennes affectées à différents postes de commandement

Du côté de la PNH, le Commissaire Jeannette Bateau, Responsable de l’Unité technique et de gestion à la Direction de planification stratégique, confirme qu’il y a en effet aujourd’hui, 23 ans après l’intégration des femmes, de grandes réalisations dans les questions de genre au sein de l’institution.

Parmi les 15 281 policiers actifs, on compte 1 506 policières, soit 9,9 % de femmes. Avec le support de la MINUJUSTH, le réseau féminin de la PNH et la Coordination nationale des affaires féminines (CNAF) ont adopté plusieurs stratégies visant l’avancement des droits des policières : « Malgré les préjugés et les divers stéréotypes auxquels les femmes de la PNH sont confrontées, nous continuons à lutter pour que la présence des policières aux postes de responsabilités et dans les espaces décisionnels soit renforcée pour permettre l’égalité femme-homme et avoir un management institutionnel plus ou moins équilibré », avance Mme Bateau, qui se trouve être la présidente du réseau des femmes de la PNH.

Le Plan stratégique de développement (PSD) 2017-2021 de la PNH s’est fixé un objectif de 12% de femmes. Mais c’est encourageant de constater que du train que cela avance, ce pourcentage sera atteint bien avant 2021. Les 1 506 policières que compte à date l’institution sont activement affectées à différents postes de commandement. Et l’avenir devrait être encore plus prometteur si la tendance se maintient, car par rapport à la formation des femmes dans la PNH, bon nombre sont formées dans différents domaines soit à l’intérieur ou à l’extérieur du pays. À chaque 3 commissaires qui ont eu à intégrer le Collège Inter-Americain de Défense, à Washington, on y trouvait 1 femme Commissaire. Jeannette Bateau fut parmi les 5 haïtiens gradués de la 56e promotion de ce Collège en 2017.

Les policières haïtiennes veulent être proactives. Malgré les progrès enregistrés, le chemin à parcourir est encore long. Leur réseau travaille en étroite collaboration avec le réseau des femmes de la composante police de la MINUJUSTH pour s’établir, d’ici octobre, à la fermeture de la MINUJUSTH, un plan d’action qui les aidera dans la lutte contre les discriminations basées sur le sexe, et leur permettre d’atteindre pleinement et démontrer avec professionnalisme tout leur potentiel.

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