Accès à la Justice : “donner une représentation à tous ceux qui n’ont pas assez de moyens” (Me René Magloire)

Ancien Ministre de la Justice, Me René Magloire a coordonné depuis ses débuts le projet de loi sur l’assistance légale en Haïti. © Leonora Baumann / UN / MINUJUSTH, 2019

5 fév 2019

Accès à la Justice : “donner une représentation à tous ceux qui n’ont pas assez de moyens” (Me René Magloire)

David Nieto

Le 10 septembre 2018, la Chambre des députés votait la loi sur l’assistance légale qui entend améliorer l’accès des plus démunis à la Justice en Haïti. Soutenu depuis le commencement par la composante État de droit de la Mission des Nations Unies pour l’appui à la Justice en Haïti (MINUJUSTH), ce projet de loi s’inscrit dans le travail mené depuis près de 20 ans par les opérations de paix pour le développement de l’aide judiciaire aux plus vulnérables. Rencontre avec l’ancien Ministre de la Justice et coordonnateur du projet de loi, Me René Magloire.

Qu’est-ce que l’assistance légale et que permet cette nouvelle loi adoptée par la Chambre des députés ?

René Magloire : L’accès à la Justice est un droit fondamental que les Etats se sont engagés à mettre en œuvre pour honorer leurs obligations envers leurs citoyens et leurs citoyennes. Il  inclut bien sûr le droit à un avocat mais aussi, par ricochet, le droit à une assistance légale. C’est ce que permet désormais la loi votée le 10 septembre 2018 et publiée dans le journal officiel le 26 octobre dernier.

Jusqu’ici, l’assistance légale était en grande partie offerte par les acteurs de la coopération internationale. Avec la mise en œuvre de cette loi, l’Etat s’engage désormais à prendre en charge l’administration et la gestion de l’assistance légale.

Comment est né le projet de cette loi ?

R.M. : Depuis près de 20 ans, des projets d’assistance légale se sont développés en Haïti, soutenus par la communauté internationale mais aussi par les opérations de paix des Nations Unies. Des initiatives fort louables mais bien sûr toujours temporaires et qui disparaissaient avec la fin des projets des bailleurs. Pour l’Etat, il était devenu urgent de mettre en place un système pérenne et de qualité.

Cette nouvelle loi installe un système durable et prévoit d’ailleurs son propre mode de financement. Le système d’assistance légale devra être financé sur le budget du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP). Mais la loi prévoit également un fond spécial auquel pourront participer les acteurs de la communauté internationale et autres organisations philanthropiques.

Comment cette loi peut-elle permettre de régler le problème des prisons en Haïti ?

R.M. : L’un des objectifs visés par cette loi est d’arriver à une réduction sensible de la détention préventive prolongée. Les observations et études démontrent que la très grande majorité des personnes en détention préventive prolongée sont des gens pauvres qui ne sont souvent pas représentés par des avocats et oubliés dans les centres de détention.

La crédibilité du système judiciaire est mis en doute lorsque des criminels sont en liberté parce qu’ils sont riches et que des innocents sont en prison parce qu’ils sont pauvres"

Le but de cette loi est de donner une représentation à tous ceux qui n’ont pas assez de moyens et qui sont souvent livrés à eux-mêmes. Ils n’ont pas assez d’argent pour engager un avocat privé pour plaider leur cause. Automatiquement, ils sont oubliés. Pour reprendre le Juge Sauvé, premier Président de la Commission des services juridiques du Québec, on peut dire que « la crédibilité du système judiciaire est mis en doute lorsque des criminels sont en liberté parce qu’ils sont riches et que des innocents sont en prison parce qu’ils sont pauvres ».

Quelles sont les prochaines étapes pour la mise en place de cette assistance légale ?

R.M. : La réussite de cette mise en œuvre de la loi dépendra de la collaboration de tous les acteurs concernés, de la société civile en général et de l’apport de l’Etat dans le système. Pour le moment, nous avons déjà organisé des ateliers de vulgarisation auprès des acteurs judiciaires concernés : les magistrats assis et debouts, les greffiers, les policiers et les organisations de la société civile. Mais nous sommes aussi en train d’élaborer un projet pour sensibiliser toute la population. Le grand public est directement concerné : il doit être au courant de la loi et de ce qu’elle peut lui apporter.

Cette loi rentre dans le cadre global de la réforme qui est en cours du système judiciaire pénal en Haïti. Elle accompagne notamment le Parlement dans son projet de réforme du Code de procédure pénale.

Rendez-vous dans notre section “Etat de droit” pour retrouver tous les projets de la MINUJUSTH liés à la promotion et à la mise en œuvre de la loi sur l’assistance légale.