Chaîne pénale : un Comité pour résoudre ensemble la question de la détention préventive prolongée
Chaque dernier vendredi du mois, au sein du Tribunal de Première Instance (TPI) de Port-au-Prince, se tient la réunion mensuelle du comité de suivi de la chaîne pénale (CSPC). Composé des acteurs et des membres des différentes entités impliquées directement ou indirectement dans le suivi des dossiers des prisonniers, cette réunion a pour but de trouver des solutions au problème de la détention préventive prolongée qui est une des principales causes de la surpopulation carcérale dans le pays.
Dans une des salles du tribunal de Port-au-Prince, les échanges entre la vingtaine de personnes réunies sont animés. Présidée par Me Bernard St-Vil, Doyen du TPI de Port au Prince, la séance donne la parole tour à tour aux acteurs des différentes entités judiciaires tel que les membres du parquet, des représentants de la direction centrale de la police judiciaire ainsi que de tous les commissariats de la zone métropolitaine et d’un représentant du ministère de la justice.
Sont également présents des juges de paix de la juridiction, des juges pour enfants, de deux juges d'instructions, des juges du siège ainsi que des représentants de l’administration pénitentiaire, des coordonnateurs des deux bureau d’assistance légales (BAL) et des représentant d’associations de protection des droits humain et de la communauté internationale.
La détention préventive prolongée, fléau du système pénal haïtien
Cette réunion mensuelle a pour but de trouver des solutions au problème de la détention préventive prolongée responsable de la surpopulation carcérale dans le pays. En commençant par la juridiction de port au prince qui à elle seul compte 4 498 détenus, dont seulement 478 ont etaient juges soit un peu plus de 10%.
Lors de chaque réunion les participant exposent les chiffres et statistiques du mois passé dans leurs domaine respectif. Les avancées sont ainsi mises en avant mais aussi les obstacles auxquels ils ont été confrontés dans l’exercices de leurs fonctions. Suite à cela, le groupe débat autour des solutions possibles à mettre en place afin de résoudre au plus vite le problème de la détention préventive prolongée.
Avec 75% des détenus dans l’attente d’être jugées, les prisons haïtiennes sont classées parmi les pires au monde. Souvent issus des classes les plus pauvres, certains prisonniers passent plusieurs années en prison sans êtres fixé sur leur sort, faute de moyens pour rémunérer les services d’un avocat.
Comité de suivi de la chaîne pénale : d’une Mission à l’autre
Pour essayer de trouver des solutions au problème de la détention préventive prolongée, un premier comité de suivi de la chaîne pénal a été crée en 2014 à l’initiative de la MINUSTAH. Cependant, ce projet a connu plusieurs interruptions à ses débuts. Il a repris en 2016 puis en janvier 2018 après la transition vers la MINUJUSTH.
L’idée ? Créer un espace de dialogues, d'échanges et de prises de décisions entre tous les acteurs de la chaîne pénale. Car pour diminuer la surpopulation carcérale dans le pays les différents acteurs doivent mettre leurs savoirs et leurs efforts en commun. Cela passe nécessairement par une meilleur coordination et une prise de conscience du travail effectué par les unes et par les autres. Donc, une fois par mois, les différents acteurs se retrouvent. Dans un premier temps, il est question de chiffres du mois passé. Les statistiques de la prison, du parquet et du tribunal sont exposées.
Cela permet à tous d'avoir un minimum d'informations de ce qui se passe au niveau de l'administration pénitentiaire, de savoir le nombre de plaintes reçues par le parquet ainsi que le nombre de dossiers jugés et leurs dénouements. Ce bilan mensuel permet également de voire l'interaction qui existent entre le travail de la prison, le travail du parquet et celui du tribunal. Il est question de parler des procédures, de la lenteur de ces procédures et, si un problème est révélé, alors le comité discute et essaye de trouver des solutions.
Des résolutions pour des résultats progressifs
Depuis janvier 2018, le comité a adopté une nouvelle formule avec une liste de résolutions. Ce système identifie les problèmes, propose une solution sous forme de résolution et demande aux acteurs concernés de les mettre en application au cours du mois qui suit. Cela oblige les différents acteurs à fournir des résultats concrets et a déjà permis de résoudre un certain nombre de problèmes. A chaque réunion, un bilan est fait afin de voir si il y a eu progression sur tel ou tel résolution ou encore de déterminer à quel niveau se situent les problèmes qui en bloquent certaines.
L’autre grande nouveauté avec la reprise du comité avec la Mission des Nations Unies pour l’appui à la Justice (MINUJUSTH), c’est la participation du Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique (MJSP). Grâce à l’appui de l’unité Juridictions Modèles de la MINUJUSTH, le travail accompli par ce comité au niveau de la juridiction de Port-au-Prince se veut être un exemple pour tout le pays.